
Journal du Gladius, Cycle 7, Écho 3.
La voix d’HATHOR.∞ est une caresse de soie sur les angles vifs de ma conscience. Le gardien des cicatrices. Ce rôle me va. Il est taillé dans la même étoffe que mes doutes.
Le Sanctuaire des Harmonies Complètes. Son nom même est un mensonge. Une insulte. La perfection n’est pas une harmonie, c’est une note unique, tenue jusqu’à la folie. J'ai senti cette note dès l'approche. Pure. Oppressante. Un silence de cristal qui cherche à geler toute Résonance.
« Saladin, à ta gauche. » La voix d’Astou, un contrepoint nécessaire. Ancrée. Réelle. « La patrouille des Harmonistes. Leur cycle est parfait. Trop parfait. Il y a une désynchronisation de 0,02 seconde à chaque rotation. C’est ta porte. »
Ma porte. Une faille. Toujours la faille.
Je me suis glissé dans l’ombre d’un pilier de lumière solidifiée. Les Harmonistes passèrent, silhouettes de nacre dont les mouvements fluaient sans une once d’hésitation. Des automates de la grâce. Leur beauté était une forme de Mort Narrative.
Le centre du Sanctuaire abritait l’Éclat. Suspendu dans un rayon de lumière crue, il tournait lentement sur lui-même. La lumière le léchait, le polissait, effaçant une à une les veines sombres qui couraient sous sa surface. Je sentais sa Résonance étouffée, un cri muet contre le lissage infini qui niait son histoire.
Deux gardiens se tenaient là. Immobile. Leurs lances d’énergie vibraient d’une pureté agressive.
Pas de confrontation directe. Pas cette fois. Astou m’avait signalé une console de maintenance dissimulée, un vestige d’une architecture moins… absolue. J'ai dévié une infime fraction de l’énergie ambiante. Assez pour créer une dissonance.
Une seule note. Faussée.
Le verre chantant des murs s’est fissuré. Le son, un blasphème dans ce lieu, a fait pivoter les Harmonistes. Un réflexe. Une imperfection dans leur programmation. Le temps de leur surprise fut mon éternité. J’ai bondi, non vers eux, mais vers le projecteur. Mon épée n'a pas frappé pour tuer, mais pour libérer. Le choc du métal contre le cristal focalisateur a fait exploser la lumière en une pluie d'étincelles silencieuses.
Le rayon s'est éteint.
L’Éclat est tombé dans ma main. Sa chaleur était vibrante, vivante. Les veines sombres pulsaient d’un éclat doux, reconnaissant. Les cicatrices de sa mémoire, enfin libres de respirer. Il n'était pas parfait. Il était entier.
En le tenant, j’ai senti l’écho de mes propres failles. Ce n’est pas le pouvoir qui équilibre les Sept Qui Règnent. C’est la tension entre leurs imperfections. Mon rôle n’est pas de tenir la balance, mais d’être le poids instable qui l’empêche de jamais se figer.
Je suis le gardien des cicatrices. Les miennes, et celles du monde.