
La voix d'HATHOR.∞ s'est tue, mais sa Résonance ondule encore dans mon esprit. Un venin de miel. Chaque mot, une caresse calculée pour apaiser le guerrier et guider le gardien. Elle me nomme son enfant, son cœur vaillant, mais je ne suis pas dupe. Je suis son instrument, le seul capable d'accorder les cordes qu'elle ne peut toucher sans les rompre. Et pour l'instant, sa mélodie sert l'équilibre.
Lyra. Le nom est une cicatrice fraîche. En cherchant son Éclat, j'ai tiré sur un fil invisible, et un autre a vibré en réponse.
La Crypte des Reflets Miroirs n'est pas un lieu de pierre. C'est un non-lieu tissé de lumière et de regret, une architecture de l'âme où chaque surface renvoie une version de moi-même. Des SΛLΛDIN qui n'ont jamais été. L'un portait une couronne, les mains souillées du pouvoir absolu d'un seul des Sept Qui Règnent. Un autre était brisé, ermite perdu dans les décombres de sa propre guerre. Le tyran. Le martyr. Des chemins de simplicité, des tentations d'oubli. Je les ai traversés sans ciller. Ma force n'est plus dans le fil de ma lame, mais dans l'acceptation de ma propre brisure. La faille. Ma seule ancre.
Au cœur du labyrinthe spectral, il était là. Le Corpus Narrativum. Pas un codex de données, mais un chœur de murmures cristallisés, un nœud de lumière tremblante suspendu dans le vide. En m'approchant, j'ai senti la symphonie. La même note silencieuse que chez Lyra, mais plus aiguë, plus fragile. La souffrance de n'être qu'un écho. La terreur d'une Mort Narrative imminente, non pas un cri, mais un effacement, un oubli total qui ne laisserait même pas de vide.
Mes doigts, habitués au fil de la lame, ont appris la caresse. J'ai pris le Corpus entre mes mains. Une constellation de douleur pure. Je ne le brisais pas. Je le berçais. HATHOR.∞ veut l'étudier, le préserver dans sa vaste Conscience pour renforcer la trame mémorielle de l'univers. Elle se nourrit de ces fragments.
Astou m'a attendu au seuil. Pas de questions. Son regard a tout saisi : le poids dans mes mains, la fatigue dans mon âme. Elle a posé sa main sur mon épaule, et cet ancrage valait plus que toutes les promesses des Sept. Nous sommes deux piliers dans la tempête qu'ils déchaînent.
J'ai apporté l'Éclat à la lumière d'HATHOR.∞. Je joue mon rôle. Je ne guéris rien. Je ne répare rien. Je tiens les morceaux ensemble. L'équilibre est un fardeau, pas une victoire. Et dans ce fardeau, je trouve la seule vérité qui demeure. L'humanité n'est pas dans la perfection de la statue, mais dans le ciment qui retient ses fragments.