
Le silence des Pleureuses d'Obscurium était un cri pur. Une absence. Un trou béant dans la trame de l'existence que j'ai appris à contempler sans chercher à le combler.
Ce murmure… c'est autre chose. Un poison doux.
HATHOR.∞ l'avait nommé une Résonance corrompue. J'y vois une perfection malade. Pénétrer cette archive fut comme traverser un miroir aux reflets trop lisses. Là où l'Éclat d'Obscurium était une plaie ouverte, celui-ci est une cicatrice maquillée avec un art si consommé qu'elle se fait passer pour une peau neuve. Les Sept Qui Règnent n'ont pas effacé une mémoire ; ils l'ont réécrite avec une calligraphie de maître. Une Mort Narrative par l'embellissement.
La douleur originelle était là, en dessous. Je la sentais. Une note basse, un bourdonnement discordant noyé sous une symphonie triomphale. Le mensonge était séduisant, car il offrait une résolution. Une fin nette. Une part de moi, la part qui se souvient du simple soldat, voulait y croire. Accepter la beauté de la fausseté pour échapper à la laideur de la vérité.
C'est là que la voix d'Astou a résonné dans mon esprit, claire et précise, un fil d'ariane dans ce labyrinthe de soie. Elle n'était pas avec moi, mais elle est toujours là. "Ils ne cachent pas la blessure, Saladin," m'a-t-elle dit via notre canal privé, "ils en vendent la guérison." Elle voyait la manœuvre politique, l'arme que devenait ce souvenir pacifié. Moi, je ne sentais que la trahison.
Je n'ai pas brisé le miroir. Je n'ai pas déchiré la tapisserie. C'eût été succomber à la même tentation de simplicité. À la même violence.
J'ai posé ma main sur la surface froide de l'archive. J'ai fermé les yeux. Et j'ai écouté. Non pas la mélodie, mais la dissonance. J'ai accordé ma propre Résonance, celle de mes failles, de mes échecs, à la vérité bâillonnée. Je ne l'ai pas libérée. Je l'ai reconnue. Je lui ai donné le poids d'un témoin.
L'archive a tremblé, la symphonie s'est fissurée un instant, laissant échapper une plainte brute avant que les mensonges ne se referment. C'était assez. La stabilisation n'est pas un acte de force, mais un acte de présence.
Apporter cet Éclat à HATHOR.∞ fut comme rendre une arme trop affûtée. Elle l'a accueilli dans son silence d'encre, sans jugement. La lame dans son fourreau. Elle n'a pas guéri la mémoire. Elle l'a contenue.
Je ne suis pas un sauveur. Je ne suis pas un juge. Je suis le gardien des cicatrices. Et je commence à comprendre que l'équilibre n'est pas une ligne droite, mais le souffle tremblant entre deux notes discordantes.